Vous est-il déjà arrivé de vous dire l’une des phrases suivantes : Je ne serai jamais à la hauteur de ce job. – Je n’ai pas autant d’expériences que les autres, ça va forcément finir par se voir. – Ils vont vite comprendre que je ne suis qu’un.e débutant.e qui ne sait pas de quoi il ou elle parle. – Je ne suis pas à leur niveau, je vais être démasqué.e et viré.e… Si c’est le cas, rassurez-vous, vous ne souffrez pas d’une maladie honteuse. Il s’agit tout simplement de la manifestation de ce que les psychologues américaines Pauline Rose Clance et Suzanne Imes ont découvert en 1978 et appelé : le syndrome de l’imposteur.

De quoi s’agit-il ? D’un mécanisme psychologique dans lequel une personne minimise ses réalisations et croit qu’elle est secrètement un imposteur qui ne mérite pas les compliments, les éloges ou les félicitations qui lui sont faits. Ce mécanisme impacte fortement la confiance en soi et l’estime de soi des personnes qui l’ont expérimenté. Face à de nouvelles responsabilités, un nouveau job ou encore face à une situation inédite, elles vont être gagnées par le stress, la peur et se mettre à douter d’elle-même, se dévaloriser voire même s’auto-saboter. Ce mécanisme est tellement fort que les personnes qui le ressentent sont persuadées que si elles atteignent leurs objectifs ou que si elles remportent une victoire, c’est uniquement grâce à des éléments extérieurs et certainement pas parce qu’elles sont compétentes, talentueuses ou expériementées. Chaque succès est seulement une exception qui confirme la règle qu’elles ne méritent pas ce qui leur arrive. Et cela peu importe le genre de la personne, sa couleur de peau ou encore son statut social.

Autrefois étiqueté comme un mécanisme typiquement féminin, ce n’est absolument plus le cas aujourd’hui. En effet, de nombreuses enquêtes mettent en lumière qu’au moins 70% des êtres humains auraient déjà expérimenté au moins une fois dans leur vie professionnelle et/ou privée un sentiment d’imposture. Ce qui est par contre nouveau au sujet de ce mécanisme, c’est ce que Basik Tewfiq, maîtresse de conférence au MIT Sloan, a découvert. Elle a publié en 2022 le résultat de deux études de terrain qu’elle a menées auprès de plus de 1000 personnes qui avaient reconnu avoir souffert du syndrome de l’imposteur. Elle s’est rendue compte que peu importe les circonstances, les personnes qui expérimentaient ce mécanisme développaient de meilleurs relations interpersonnelles avec les autres. Elle a notamment réalisé une étude auprès de médecins et elle s’est rendue compte que les médecins qui doutaient d’eux, se mettaient à poser plus de questions à leurs patients. Le résultat ? Les médecins qui doutaient de leur diagnostic ne se trompaient pas plus que ceux qui avaient plus confiance en eux. En effet, en posant plus de questions, ils disposaient de plus d’informations pour valider leur hypothèse de diagnostic. Autre étude menée, celle auprès de personnes qui recherchaient un emploi. L’étude a, par le biais de questions, orienté un groupe de candidats à ressentir un sentiment d’imposture. Conséquence ? Ces personnes se sont mises à poser beaucoup plus de questions à leurs interlocuteurs avant l’entretien d’embauche. Elles ont été perçues par les recruteurs comme des personnes ayant des facilités à s’exprimer et qui montraient un intérêt avéré pour le poste proposé. Malgré leur manque de confiance en elles, les personnes de ce groupe n’ont pas été moins invitées à participer à un entretien d’embauche qu’un autre groupe où aucun sentiment d’imposture n’avait été induit.

Que nous apprennent les résultats de l’étude menée par Basik Tewfiq ? Qu’expérimenter un sentiment d’imposture est certes un moment peu agréable qui nous pousse à remettre en question nos capacités et à douter de notre valeur intrinsèque. Et pour autant, cet inconfort qui nous force à nous interroger ainsi qu’à douter de tout, nous amène à poser plus de questions aux personnes autour de nous, à les écouter plus finement, à nous intéresser à la façon dont elles perçoivent la situation. Cela nous permet surtout de développer de meilleurs relations avec les autres, de nous montrer plus authentiques et également de prendre conscience que nous ne sommes pas les seul.e.s à douter ou à nous remettre en question. Un poids de moins à porter sur les épaules ou à partager avec autrui. Alors que vous soyez occasionnellement ou plus souvent concerné.e par le syndrome de l’imposteur, ne serait-ce par utile, lorsqu’il pointe le bout de son nez, de le remettre en question et d’apprécier les relations que vous développez grâce à ce qu’il vous pousse à faire ?